Lien stéréotypes, préjugés, discriminations

”Les stéréotypes sont considérés comme étant la composante la plus cognitive, le préjugé comme étant la composante la plus affective et la discrimination comme étant la composante la plus comportementale des réactions basées sur le processus de catégorisation” (Fiske, 1998)

Dans notre manière de percevoir et d’interagir avec le monde, il existe des processus, parfois automatiques, qui nous permettent de gagner du temps, d’organiser nos idées et de naviguer dans la complexité de la vie sociale. Parmi eux, la catégorisation est un mécanisme central : elle consiste à regrouper les individus selon des critères visibles ou saillants (comme l’âge, le genre, l’origine, etc.). Cette tendance à classer permet une économie mentale, mais elle peut aussi être à l’origine de certaines généralisations parfois injustes ou fausses.

À partir de cette catégorisation, notre cerveau associe rapidement des idées toutes faites à ces groupes. C’est ce qu’on appelle les stéréotypes. Les stéréotypes sont des représentations mentales socialement partagées à propos des membres d’un groupe. Ils fonctionnent comme des raccourcis cognitifs : rapides, automatiques, parfois inconscients, et pas forcément négatifs. Par exemple, on peut avoir en tête que les Italiens sont chaleureux, que les personnes âgées sont sages, ou que les enfants sont spontanés. Cela ne veut pas dire que c’est toujours faux ou néfaste, mais cela reste une généralisation, et c’est là que réside le problème lorsqu’on ne nuance plus.

Ces représentations mentales deviennent plus problématiques lorsqu’elles se chargent d’une dimension affective : c’est le moment où les stéréotypes se transforment en préjugés. Contrairement aux stéréotypes, les préjugés sont presque toujours négatifs. Ils reposent sur des croyances apprises, et sont souvent nourris par nos émotions, notre histoire personnelle, nos expériences ou encore le contexte social dans lequel nous évoluons. On ne se contente plus alors de “penser” qu’un groupe est comme ci ou comme ça : on commence à “ressentir” de la méfiance, du rejet, ou de l’agacement, parfois sans savoir pourquoi. Les préjugés relèvent d’un contrôle cognitif plus poussé, et reflètent souvent une résistance au changement ou à la remise en question.

Lorsque ces jugements affectent concrètement la manière dont on se comporte envers les autres, on entre dans le domaine de la discrimination. La discrimination est une action, une différence de traitement fondée sur l’appartenance réelle ou supposée d’une personne à un groupe. Cela peut se traduire par un refus d’accès à un emploi, un regard condescendant, une mise à l’écart dans un groupe, ou même des violences symboliques ou physiques. Elle peut être explicite ou insidieuse, et prend des formes variées selon les contextes.

Ces trois niveaux (eg. stéréotypes, préjugés et discrimination) sont étroitement liés. Ils forment une chaîne où une idée toute faite peut, en s’imbriquant avec des émotions et des jugements, mener à des actes concrets qui impactent les personnes concernées. Ce processus est d’autant plus insidieux qu’il repose souvent sur des mécanismes automatiques appelés “biais cognitifs”. Ces biais, comme le biais d’assimilation (qui minimise les différences entre membres d’un même groupe) ou le biais de contraste (qui accentue celles entre groupes différents), influencent silencieusement notre perception du monde.

Un autre effet de ces mécanismes est ce qu’on appelle la dynamique eux vs nous. Cette opposition, décrite par Tajfel et Turner dans leur théorie de l’identité sociale de 1986, repose sur la tendance à valoriser son propre groupe (ou l’endogroupe) et à dévaloriser les autres (ou les exogroupes). On accorde alors plus de diversité et de complexité aux personnes qui nous ressemblent, et on simplifie, voire caricature, celles qui en sont éloignées. Ce réflexe est humain, mais il peut conduire à des injustices si l’on n’y prend pas garde.

Il est donc essentiel de comprendre que ces mécanismes ne relèvent pas d’une “pathologie”, comme le rappellent Leyens et al. : nous les utilisons toutes et tous. Ce qui peut devenir problématique, c’est le contenu de ces stéréotypes, la charge émotionnelle des préjugés, et surtout, les conséquences concrètes qu’ils engendrent lorsqu’ils se transforment en discrimination. En apprenant à mieux les repérer, à interroger nos automatismes et à diversifier nos points de vue, on se donne la chance d’agir avec plus de justesse et d’équité dans nos relations sociales.

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